Allostérie
L'allostérie est un mode de régulation de l'activité d'une enzyme par lequel la fixation d'une molécule effectrice en un site modifie les conditions de fixation d'une autre molécule, en un autre site distant de la protéine.
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Définitions :
- Capacité d'une protéine à changer de configuration spatiale suite à la liaison d'un effecteur, sur un autre site que le site actif... (source : ac-strasbourg)
L'allostérie (du grec ἄλλως, allos : autre et στερεός, stereós : forme) est un mode de régulation de l'activité d'une enzyme par lequel la fixation d'une molécule effectrice en un site modifie les conditions de fixation d'une autre molécule, en un autre site distant de la protéine. Ce concept a été formalisé par Jacques Monod, Jean-Pierre Changeux et Jeffries Wyman dans une série d'articles, dont principal a été publié en 1965 dans Journal of Molecular Biology [1].
Principes de l'allostérie
La fixation de la molécule effectrice induit un changement de conformation spatiale de la protéine enzymatique. C'est à dire, la disposition spatiale de ses atomes constitutifs est modifiée. Dans le cadre de l'allostérie, cela a pour conséquence de modifier le site de liaison de l'un au moins des réactifs impliqués dans le processus de catalyse. Dans le modèle de Monod-Wyman-Changeux (MWC), les enzymes allostériques doivent présenter plusieurs propriétés :
- elles sont multimériques, chaque protomère (ou monomère) fixe une molécule de ligand.
- elles possèdent au moins un axe de symétrie.
- elles existent sous deux conformations différentes : l'une nommée T, pour tendue, désignant conventionnellement la forme de faible affinité pour le substrat, l'autre R, pour relaxée, de forte affinité pour le substrat.
- Au sein d'une protéine, les protomères adoptent tous la même configuration, R ou T (transition concertée). En d'autres termes, il n'existe pas d'hybrides R/T dans le modèle MWC[2].
Il existe une allostérie dite positive où la fixation d'un effecteur augmente l'affinité de liaison du ligand. On parle de fixation coopérative. La molécule effectrice peut être le ligand lui même, qui modifie dans ce cas l'affinité des autres sites de fixation (effet homotrope, par opposition à l'effet hétérotrope qui concerne des molécules de nature différente). Ce dispositif est le dispositif K (K est le symbole de la constante d'affinité), dont la courbe de la vitesse de réaction selon la concentration en substrat est de type sigmoïde. Le cas inverse existe aussi : dans une allostérie négative la fixation de l'effecteur diminue l'affinité du ligand. Ce dispositif est le dispositif V (pour vitesse), dont la courbe représentative est de type hyperbolique.
Exemple de l'hémoglobine
L'hémoglobine forme un exemple important de protéine allostérique, quoiqu'elle ne soit pas une enzyme stricto sensu mais plutôt une molécule de transport. Chaque monomère de l'hémoglobine, qui en comporte quatre, peut fixer une molécule de dioxygène. La fixation de la première molécule de dioxygène augmente l'affinité de liaison de la seconde, la fixation de la seconde augmente l'affinité pour la troisième et ainsi de suite (coopération positive par effet homotrope). Les effecteurs hétérotropes modifiant l'affinité de l'hémoglobine pour le dioxygène sont : le proton H+, le dioxyde de carbone et le 2, 3 bisphosphoglycerate (un sous-produit de la glycolyse). Ces régulations ont fréquemment un rôle physiologique important et peuvent mener, lors de leur dérèglement, à des troubles physiologiques. Ils agissent comme rapporteurs des conditions extérieures, des senseurs.
Importance physiologique de l'allostérie
L'allostérie est une forme de régulation de l'activité d'une enzyme suivant les conditions extérieures changeantes. On peut distinguer les effets de senseurs et de rétrocontrôle négatif :
- Quand la glycolyse est soutenue, le 2, 3 diphosphoglycerate s'accumule dans le globule rouge. Cette accumulation est un signal signifiant que l'utilisation d'énergie est en augmentation et que l'hémoglobine doit délivrer plus de dioxygène aux tissus. L'effecteur allosterique 2, 3 diphosphoglycerate diminuant l'affinité du dioxygène pour l'hémoglobine, ce dernier se détache plus aisément et peut être délivré en plus grande quantité aux tissus. De la même manière, un pH acide, reflet d'un rejet accru de dioxyde de carbone, lui-même synonyme d'augmentation de l'activité physiologique, va provoquer une diminution de l'affinité de l'hémoglobine pour le dioxygène et par conséquent un relargage au niveau des tissus, augmentant ainsi leur oxygénation.
- L'effet de rétrocontrôle négatif est fréquemment rencontré dans les voies métaboliques. Le produit final de la voie est fréquemment un inhibiteur allostérique d'un enzyme catalysant une etape d'origine. Plus le produit final s'accumule, plus la réaction d'origine est lente (par diminution de l'affinité à l'un des réactifs de la réaction) et par conséquent moins de produit sera constitué. Ce type de régulation évite d'accumuler le produit final, qui peut être toxique dans certaines circonstances et évite à l'organisme de produire en excès une molécule, ce qui est coûteux en énergie. L'effecteur allosterique participe à l'autorégulation de la voie métabolique :
- A titre d'exemple, dans la glycolyse, la 6-phosphofructokinase est une enzyme allostérique qui transforme le fructose 6-P en fructose 1, 6-biP au cours de l'étape qui peut être reconnue comme la première qui soit propre à cette voie. Cette enzyme réagit différemment selon la quantité d'ATP, qui est le produit final «utile» de la glycolyse. À faible concentration, l'ATP se fixe sur le site "
cœnzyme" de l'enzyme, entraînant de fait toute l'enzyme sous sa forme relâchée. À forte concentration, l'ATP se fixe sur le site "inhibiteur" de l'enzyme, entraînant de fait toute l'enzyme sous sa forme tendue. Or l'ATP est le produit de la respiration cellulaire, phénomène qui suit la glycolyse et le cycle de Krebs. L'effet rétrocontrôle négatif de l'ATP est donc : inhibition de la voie quand il est en concentration suffisante, prévenant ainsi la dégradation de glucose non indispensable. Un autre exemple intéressant et historique est celui de l'aspartate transcarbamylase, enzyme clé dans la voie de biosynthèse des pyrimidines, où l'ATP est un activateur et le CTP (cytosine triphosphate) et l'UTP (uracile triphosphate) sont inhibiteurs.
- A titre d'exemple, dans la glycolyse, la 6-phosphofructokinase est une enzyme allostérique qui transforme le fructose 6-P en fructose 1, 6-biP au cours de l'étape qui peut être reconnue comme la première qui soit propre à cette voie. Cette enzyme réagit différemment selon la quantité d'ATP, qui est le produit final «utile» de la glycolyse. À faible concentration, l'ATP se fixe sur le site "
Extension de la notion aux canaux ioniques
Par extension, la notion d'allostérie s'applique au cas des canaux ioniques quoiqu'il n'y ait pas de réaction chimique catalysée mais plutôt un transfert de matière (ion) à travers une membrane. Dans ce cas, la fixation d'une molécule effectrice positive facilitera l'ouverture du canal, quel que soit le mode d'ouverture du canal et , inversement, pour un effecteur négatif, le processus d'ouverture sera défavorisé. On parle d'agoniste et d'antagoniste des récepteurs allostérique respectivement.
Notes et références
- ↑ Journal of Molecular Biology 1965 May :12, 88-118.
- ↑ Cette limitation n'existe pas dans le modèle de Daniel Koshland, dit modèle séquentiel.
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